Une femme à écrire

Générée avec Bing

Sika m'aimait, aussi loin que je me souvienne, elle m'a toujours aimé. Je l'aimais aussi, enfin, j'aimais lui faire l'amour. Elle, elle aimait particulièrement me parler. Sika parlait beaucoup, de choses qui intéressaient peu mon esprit. Elle n'avait jamais lu Depestre ou Bukowski, elle n'écoutait ni la musique de Nina Simone ni celle de Toto Bissainthe mais exigeait que je l'écoute.

Cette nuit-là tout est allé si vite. J'étais devant l'ordi, j'avais passé une de ces journées avec Adjoa et je voulais l’écrire. Nous nous étions promenés le long de la plage puis avions échoué sur son toit. Raisins, vins et poèmes au clair de lune. Pour la musique, parce qu’il en faut toujours, une petite enceinte bluetooth et son téléphone avaient suffit. Et puis nous fîmes l’amour, corps et âme. Son corps contre le mien, mon âme dissout dans la sienne. Adjoa est une femme à écrire, de celles qui vous allument l’âme.

Sika a débarqué à ma droite, furieuse. Elle brandissait mon téléphone en hurlant des choses que je n'écoutais pas. J'écrivais, comme jamais. Adjoa et nos amours. Sika hurlait, comme jamais. Je tapais mon clavier, j'écrivais Adjoa et ses poèmes plus intenses que fellation. Mais Sika hurlait et les mots ne venaient plus.

Il fallait qu'elle se taise. Je me suis levé d’un bond et ma main est partie toute seule. Je le jure. Elle s'est effondrée, muette et inerte. ‹‹ Relève toi ›› que j'ai dit. Elle n'en fit rien. Je répète, pas une, pas deux mais une bonne dizaine de fois. Je l'ai secoué, soulevé, secoué encore. Rien. Je prends son poul, rien. Sinon la panique et le remords. Je l’ai serré fort contre moi et lui ai chuchoté, du fond de ma gorge nouée ‹‹ Reste avec moi s’il te plait. Je voulais juste que tu te taises. Reste avec moi. ›› 

J'ai appelé les pompiers, qui ont appelé les flics. Eux m'ont présenté au procureur. J'ai dit au juge que j'aimais Sika mais Adjoa avait allumé mon âme et il fallait l'écrire. C'est mieux quand on l'écrit. 20 ans que j'ai pris.