Moi, je ne guéris pas des femmes (feat Omaw Buame)

Décembre est un temps propice pour recasser ce qu'on aurait aimé mieux vivre. On recasse bien quand on (re)écrit sa vie. A la façon de Dany Laferrière. Mais il ne faut pas confondre réel et fiction. Nos vies sont des fictions. Notre imagination, le réel. Alors cette histoire est bien réelle et toute ressemblance avec des personnages de fiction n'est que fortuite.

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©Je n'ai aucun droit sur cette photo et je n'ai pas pu en identifier l'auteur original

Moi, je ne guéris pas des femmes. Je les archive. Et si elles guérissent de moi, je prends soin de laisser en elles quelques millilitres de mémoire. Quelques mégabytes de moi. Pour qu’elles ne m’oublient pas. Pour qu’elles me portent en elles comme je laisse leurs blessures en moi.

“Danse avec moi, Prithiya, danse avec moi.” Nos pas dans mon esprit soulèvent encore la poussière. Le bruit de ton rire résonne encore. Tu somnoles encore sur mon épaule, sous la lune, sur un banc public.  Tu fuis toujours mon regard, sous la couette, après l’amour. 


Prithiya est partie.  “Avant toi, le sexe je n’aimais pas. Toi, tu es doux conquérant et jouissif amant. Tu m’as fait l’amour et tu m'a appris à faire l’amour”. J’ai relu ce texto je ne sais plus combien de fois. C’est mon plus beau souvenir d’elle. Je le caresse. Tout doux. 


Rebecca a chanté pour moi. Avant de me détester, elle a chanté pour moi. Elle a chanté avec joie, elle a chanté avec amour. Le nom de notre premier fils était déjà sur ses lèvres. Elle connaissait déjà la date de notre union à venir. Dans ses yeux, je n’étais plus moi. J’étais sa propriété. Un homme à soi, c’est toujours ce qu’elles veulent. Mais moi je suis un homme à femmes. Insaisissable. Impossédable. Alors vint le jour qui vient toujours ; le jour où elles me détestent.


D’entre elles toutes, c’est Kekeli qui m’a le plus détesté. Je l’ai mérité. Je le jure, je l’ai mérité. Vous m’auriez vous aussi détesté. Je me suis moi-même détesté. Elle m’a plus détesté parce c’est elle qui m’a le plus aimé. Et moi je l’ai perdue. 


Il y a Kekeli que j’ai perdu et celles qui m’ont perdu. Il y  a Tuenye que j’ai aimé, et Rebecca, et Prithiya, et les autres. Celles dont j’ai goûté le corps, insatiable. Celles dont j’ai mangé le cœur, cruel. 


Maintenant, je porte en moi leurs prénoms à toutes. Des dizaines de petits fragments de jeunes filles et jeunes femmes. Là, dans mon cœur, un bout du cœur de Tynga. Ici dans mon foie, un atome du sein de Dissi. La voix de Yendoutien circule dans mon sang. Dans mon poumon gauche, une alvéole ne respire que le parfum de Kathara.


Moi, je ne guéris pas des femmes. Je les porte en moi. Je les oublie parfois. Je me les rappelle trente-six nuits par an, trente-six fois par nuits.



Klétus Situ & Omaw Buame

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